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Causeries

des plateaux d’apprendre

Des noeuds, des agglomérats, des espaces qui se chargent parce qu’il s’y passe quelques choses qui attirent. Une activité collective se met en place sur un départ individuel. Des apprentissages s’en suivent.
Les apprentissages ils auraient aussi lieu en dehors de cet état de matière. A la maison, entre parents, en dehors de l’école, seul dans un bois avec Victor, etc.
C’est donc cette question qui se pose : ça change quoi d’apprendre ainsi. Ce n’est peut être pas au niveau de la connaissance en elle même qu’il faut s’interroger, mais regarder du coté de la manière dont on la questionne, l’aborde, la remet en question à travers les entraides, les échanges, les contraintes, le labeur qui l’accompagne aussi collectivement, et cela quel que soit le milieu dont on soit issu.
Le plus souvent nous nous y sommes laissés prendre sans nous en rendre compte à ce plateau rhizomique, noeud de regroupement d’un instant. Parfois aussi on s’y est laissé aller bien volontiers. On peut même accepter d’y être convoqué dans ces instants. Car on sait que la contrainte ne va pas durer. Dans tous ces cas, cela modifie radicalement l’état de chacunE par rapport aux labeurs, par rapport aux plaisirs, par rapport aux échanges collectifs, par rapport à sa propre émancipation.

Concernant les photos intitulées "Pliage". Je n’avais pas prévu cela le matin en arrivant. Le point de départ vient de mon oisiveté. J’étais assis à une table, dehors, à observer ce petit monde. J’attendais. Je répondais. Je discutais. Lorsqu’on venait me voir. Mais j’attendais. Parfois ça ne vient pas. Parfois je déclenche des choses. J’impose aussi. C’est le cas par exemple sur la photo intitulé "Bibliothèque". Ils n’y sont pas venus d’eux même. C’est moi qui les ai parqué ! Après un long moment antérieur ou j’avais participé à accentuer encore l’excitation, j’ai tout coupé, d’autorité et j’ai demandé à chacunE de venir prendre un bouquin. Se calmer, se mettre ensemble dans un lieu confiné, déclencher d’autres relations (regardé, les petits groupes d’affinité...) par le livre, préparer le changement de quart (une nouvelle éducatrice devait arriver pour me remplacer et nous avions choisi cette fois ci ce mode de passage de témoin.)

Mais revenons au pliage. Lilith vient me demander si on peut faire des avions. Bien sur. Mais comment ? je ne sais pas. Enfin pas bien. (parfois quand je dis cela c’est vrai de vrai, parfois c’est faux...bon, là, les avions je n’en connais qu’un... vrai-faux. ) Allez va chercher des feuilles et essaye.
Ce qu’il me semble c’est que Lilith a du voir faire cela. Elle a envie de retrouver ce qu’elle a vécu et je la vois réessayer les étapes dont elle garde quelques éléments en mémoires. "je crois qu’il faut faire comme ça... oui, ça faisait cette forme etc."
Et là, et bien c’est une question de sensation, de savoir faire de l’éducateur qui ne veut pas faire à la place de... qui ne veut pas laisser la détresse s’installer non plus. Après plusieurs essais, sentant que la patience de la demoiselle commençait à atteindre la limite, je suis intervenu pour lui montrer un pliage possible... tout en lui disant qu’il y en a d’autres que je ne connais pas.
Pendant que je vous raconte cela, d’autres enfants se sont regroupés autour de la table. ChacunE selon son enviEs, son tempérament. Ceux qui étaient plus éloignés ont été attirés par les premiers vols d’avion et se sont approchés pour y mettre la main.

Et puis regardez bien sur les photos, il y a deux minots pour qui toute cette agitation n’avait aucune importance. Ils sont dans leur monde. Ces deux là je les ai pourtant contraint. Je les ai convoqué. J’ai donné ordre de venir. C’était bien plus tard (le temps des enfants : 1/2 h 3/4...) quand l’activité pliage a commencé à s’essoufler que chacunE est reparti sur ses chemins.
Pourquoi ? pour les obliger à venir gouter autre chose. Dans ce cas, ce fut du dessin et parler en français, car ils ne vont jamais d’eux même dessiner et sont fourrés toute la journée ensemble comme deux larrons en foire, à tchatcher dans leur langue italienne si chantante. Contrainte, labeur (à leur niveau : 5mn à faire l’effort de tenir un crayon entre trois doigts...et de discuter en français... c’est épuisant). Et, là, encore, c’est le même geste, la même attitude d’artisan : sentir, jauger, percevoir leur état affectif, les retenir tant qu’on les perçoit disponible.

Mais au fait, les avions, ils ressemblent plus à des chapeaux qu’autres choses.
C’est à dire, que l’on peut aussi proposer d’autres pistes. Celle du chapeau semble avoir plu. Là aussi, ils n’ont pas tous décidé d’eux même d’écrire à ce sujet. J’ai lancé les plus grands et ceux des plus jeunes dont je savais qu’ils étaient disponibles. Création de texte sur papier, correction, orthographe, conjugaison, écriture à l’ordinateur, découpage de l’écrit dans le cahier et collage sur le chapeau pour le plus jeune, etc. On est tout de même là pour cela : apprendre à lire, écrire, compter.

Erwan, educateur/enseignant Bricabracs.

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