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Formidable ... ils sont libres

...de tomber, de se tuer, de se faire mal, physiquement, psychiquement. Et d’en rire...

Qu’ils sont beaux et formidables nos espaces éducatifs de liberté. On se saisit même de ces images pour en faire notre marque de fabrique. Pensez donc des oisillons aux becs grands ouverts et rieurs assoiffés de hauteur, de nature et de liberté. Ici on bombe le torse, on n’a même pas peur. On prend des risques et on les assume.
PAF ! Quoi ? Que se passe t il ? Quel est ce bruit ?
Il est tombé. Scratch. Écrabouillé son joli minoi sur le gravillon. Pimpon. Urgence. Réparation.
Ouf, il ne perd que son bec, il aurait pu y perdre les plumes. Mais alors et nous ? C’est un tout qui se serait envolé ?
Angoisse frayeur. Il faut sécuriser !
Mettre des tapis ? ne plus grimper dans l’arbre ? Ne plus manger les herbes ? Ne plus penser ? Ne plus…
mais alors il faut aussi changer l’image formidable ?
Non. Je refuse. Je m’y oppose. J’en prends le risque de la perte et de la rupture.

Un enfant est tombé. Pendant un parcours de bancs, de tables, de chaises, de glissades, de bascule, d’équilibre. Un enfant est tombé d’un banc. Il s’est salement amoché la lèvre et ses dents ont pris un sérieux coup. Un enfant grimpait au plus haut des arbres. Vous le laisseriez se risquer sur un banc, celui qui avec agilité et précaution se meut sur la cime. Quatre mètre, quarante centimètre. Une histoire de proportion des risques encourus dans l’observation et le conseil. Une probabilité infime que lui, celui là, s’esquinte. Et pourtant il est tombé de son banc.
Je ne mettrais pas de tapis ni sous l’arbre, ni sous le banc.
Tous les jours l’enfant marche sur ce mur. Deux fois par jours, en allant en revenant. Tous les jours on regarde, on prévient parfois, ralentis, attention. Tous les jours on le voit prendre aisance, agilité, s’enhardir et tenter plus compliqué sur ce mur. Hier, sans savoir pourquoi, il a trébuché, on a vu sa tête, le temps d’un instant, venir s’esquinter sur la brique. Sutures, trauma… et on a réouvert les yeux, il souffrait sur le dos, mais par on ne sait quelle pirouette il avait évité la tête. Demain, pourtant nous referons le mur.
Quand nous grimpons, quand nous glissons,

quand nous nous balançons sur les roches des calanques, sur les fenêtres et les tables des écoles, sur le parvis des gares, et les balançoires de bois, nous prenons toujours un risque et l’accident est possible. Je prends le risque qu’ils s’y risquent. Je prends le risque qu’ils se grandissent au risque de m’apporter des oranges. Prendre le risque c’est dire stop à un enfant qui se met en danger, c’est en bousculer un autre en lui donnant la main, en lui tenant les fesses, en le prenant dans ses bras pour qu’il franchisse l’obstacle.
Il n’est pas question de faire prendre des risques inconsidérés mais il n’est pas question non plus de s’en tenir à l’analyse de ceux qui ne perçoivent pas soit l’encadrement mis en place, soit la possibilité qu’il y ait un accident, dont on tente de limité la probabilité et l’ampleur.
Ma problématique d’éducateur-enseignant est alors la même que pour toutes les autres activités. Premièrement, la rigueur à tenir au près des enfants concernant l’organisation/ coordination. Deuxièmement, la connaissance des enfants dans leur collectif. Troisièment, l’attention permanente aux bruits, aux mouvements, tout particulièrement pour ceux que l’on a repéré plus fébrile.

En dehors de l’activité collective, c’est le même cadre de veille par le son de la vie que l’on ne voit pas, par l’image que l’on capte rapidement d’une situation à laquelle on ne participait pas.
Tous ceux qui ont pu expérimenter dans leur jeune age, sans leur parent, les balades en vélo, le sommet des arbres, les glissades sur les bords de route, les fossés de boue, les bois solitaires, les feux interdits, les courses de roller, les parcours urbain, les rencontres bousculant nos pensées, ou que sais je encore, … et qui malgré les chutes, les points de suture, les dégâts occasionnés et les fragilités psychiques occasionnées... ont vu leurs parents reprendre le chemin angoissant du tâtonnement expérimental de leurs enfants, tous ceux là ont une chance précieuse.
En tant qu’éducateur pour touTEs, c’est cela que je tente d’apporter. Mais alors je ne suis pas parent. Si je suis aussi porté par des charges affectives elles ne sont pas du même ordre que celles de ma chaire parentale, que je dois parfois bousculer aussi pour laisser mes propres enfants se faire leur parcours, avec d’autres éducateurs. C’est aussi ce qui permet de poursuivre un accompagnement au risque,

à sa gestion, et aux douleurs possibles, pour des enfants qui ne l’auraient pas dans leur cadre familiale. Bref de travailler à l’émancipation des enfants, parfois contre leur famille, sans pour autant fragiliser l’équilibre familiale, donc l’accompagner aussi le cas échéant.
C’est un risque à prendre.
Fermer le ban.
Erwan / 30 janvier 2016
enseignant-éducateur-coordinateur
Espaces Educatifs Bricabracs / E2B

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