A l’instar d’autres pédagogues au près desquels nous puisons inspiration, pour Helena Radlinska, nous dit Ewelina Cazottes, « L’enfant a une place d’auteur de sa propre émancipation. Il est un être social. […] L’action pédagogique doit intervenir sur le milieu de vie sociale pour apporter des solutions aux besoins sociaux. Chez cette pédagogue du début du 20ème siècle, la démarche ’’sociale’’ désigne une activité ’’pour’’, ’’avec’’ et ’’à travers’’ la société. Sa pédagogie sociale est engagée dans un processus de transformation sociale qui dépasse largement la relation traditionnelle de l’enseignant-élève. […] Sa mise en œuvre interroge dans le même temps l’objectif (pour la communauté) et les moyens de le réaliser (par les forces sociales / communautaires). C’est une activité systématique, durable, qui fait appel à l’anticipation, à l’innovation et à la planification des actions de transformation et d’optimisation. […] Cette éducation sociale doit être accessible à touTEs. »(1)

C’est en tentant de rester au plus près de cette pensée d’éducation sociale que nous venons de relancer la deuxième année des Espaces Educatifs Bricabracs. Cela a pu se faire en anticipant dès le printemps dernier la durabilité du lieu. Notre adresse est inchangée. Nous vivons dans les quartiers nord de Marseille, à proximité de la cité de la Granière, dans les jardins de Baumillon. Il n’y a que les murs que nous avons pu pousser. Nous avons pu alors planifier la transformation de notre espace de vie avec les acteurs de cet environnement : les nouveaux pasteurs résidant sur place, les jardiniers, l’association Accueil et Rencontre, les resto du coeur et les familles. Ces dernières ont pu s’engager suffisamment tôt dans le processus et répondre présent pour participer à l’installation. Sur les neuf familles présentes l’an dernier six poursuivent ce chemin. Elles sont rejointes par les onze autres portant notre effectif à dix neuf enfants de 4 à 11 ans. Deux éducatrices interviennent le midi en coopération avec l’enseignant éducateur présents au près des familles et des enfants de 8h à 17h, les quatre jours d’ouverture.

Nous en sommes là, en grand partie
– grâce à la persévérance d’adhérentEs et de familles qui ont maintenu leurs confiances et ont repris le travail de la vie associative après sa réorganisation,
– grâce aussi aux 35 personnes qui s’engagent chaque mois à faire vivre cette création par leurs dons de 10 euros ou plus,
– grâce enfin à nos hôtes qui renouvellent leur soutien en nous hébergeant.

Malgré toute cette force d’agir, si le conte éducatif peut continuer à se tisser du coté de la vie des enfants, le compte ’y est pas encore pour pouvoir anticiper la durée au-delà de cette année. En effet, il nous faut trouver de quoi stabiliser un emploi et en développer un deuxième afin de parvenir à étendre notre activité sur cinq jours comme prévu initialement ( encore l’équivalent de 300 dons mensuel à trouver).

Les enfants, eux, se sont lancés sans attendre dans leur action sociale. Ils tracent leurs lignes de vie, ils coopèrent, ils s’organisent, ils jouent, ils travaillent, … Ils répondent au sens propre comme au figuré à la formule d’Antonio Machado : « Caminante, no hay camino, se hace camino al andar » (Marcheur, il n’y a pas de chemin, le chemin se fait en marchant) (2)

1 Helena Radlinska, Aux sources de la pédagogie sociale
Ecrits choisis, édition établie et annotée par Ewelina Cazottes, Grégory Chambat et Laurent Ott, Terrains sensibles, L’Harmattan, mai 2016, 170 p
2 Cité par Francis José Maria, dans Prenons soin du monde que nous habitons, Catherine Meyer, René Jam, collaboration de Francis José Maria, Edité par l’association L’eau Partagée, 2016

Erwan Redon / enseignant-educateur, co-auteur du projet Bricabracs