Du plus lointain de nos rêves...
Thermodynamique du Bricabracs
Cinétique et thermique, accélération et décélération, vitesse à laquelle l’agitation s’effectue, vitesse à laquelle elle se stabilise, se rééquilibre. C’est aussi la durée durant laquelle le phénomène d’ébullition, d’agitation se maintient, pour ensuite changer d’état, se calmer, reprendre du repos et puis de manière incertaine, mais prévisible, redémarrer. Incertaine, car on ne sait pas quand, ni comment. Prévisible car on sait que cela va se produire sans trop savoir comment. Cela n’a pas de saison. Certain.e.s l’ont longtemps pensé et relié au printemps. Mais non, au cours de chaque saison, le thermos de la dynamite de groupe peut servir un breuvage bouillant, tout autant que figé, glacé. Phase solide ou gazeuse, ces collectifs s’entendent comme étant ceux dans lesquelles les personnes ont aussi leur champ d’action individuelle possible.
Avec les enfants depuis septembre, nous avons déjà fait évoluer plusieurs fois notre système. Par exemple les temps de travail des quotidiens (écrire, lire, mathématiser) ont plusieurs fois changé, dans la forme et le fond. Des essais ont été effectués concernant les équilibres des âges et la pertinence de l’horaire adapté pour agir. Cela a notamment concerné les groupes de services, en charge de la fabrication du pain quotidien, du poulailler, du suivi du jardin, du service et de la vaisselle du midi…
Des créations collectives se sont imposées de l’extérieur, comme notre participation aux Forêts intérieurs sollicitée par le théâtre du Merlan et la Gare Franche. D’autres furent lancées individuellement pour devenir ensuite des créations collectives, de tout ou partie des vingt enfants : un monte-charge pour une cabane, une maquette de paysage, un panier de basket, la création d’un livre, etc. Et puis certaines créations étaient proposées par les enfants mais pour des raisons matérielles et/ou financières ne se déclenchaient pas. Quand soudain, un financement ou un don de matériel arrive, ou encore un intervenant est finalement disponible. Alors l’ébullition envahit à nouveau notre Tanière. C’est le cas pour une nouvelle classe de neige et un partenariat avec un centre social à cette occasion, pour un atelier clown hebdomadaire, pour un atelier sonore, pour un jardin commun avec MomoBio, pour un accueil d’enfants du quartier par les enfants Bricabracs dès janvier, pour un pain dont il ne reste plus une seule miette chaque midi grâce au conseil de Jef ; boulanger venu nous apporter son soutien, etc.
Au milieu de ces temps créatifs, soit en sommeil, soit en pleines palpitations, une ligne d’erre trace son chemin sur un temps long. Maintenir l’exigence, la précision, la qualité auprès de chaque personne enfant, mais pas que, concernée par des apprentissages souvent appelés scolaires, mais que nous considérons comme solaires. Ils apportent une énergie jouant comme catalyseurs de toutes ces créations. Connaitre le sens, la signification, dire pourquoi et comment on a choisi de multiplier ce chiffre par un autre, qu’est-ce qu’il représente dans l’opération, dire que le résultat on s’en fiche que la rédaction de la logique mathématique nous intéresse davantage ; pourquoi ce « b » en cursive ressemble à « f » et en quoi est-ce gênant pour se faire comprendre ; pourquoi on observe l’état d’attention, de précision, de qualité et de respect dans leurs écritures ; etc.
Pour les gueules cassées des enfants recueillis des tranchées éducatives, en particulier, mais de manière générale aussi, ce travail passe par la tenue du corps, la prégnance de la qualité du rangement du matériel, de l’arrangement de leur être, de la force de leur raisonnement autant que de la réalité de la conscience de leur propre jugement sur ce qu’ils ont réalisé. C’est un autre axe de notre activité sociale et éducative, discret, faiblement visible, aux résultats sans éclats sauf pour celles et ceux qui veulent bien les suivre et affiner leur regard sur ce qui n’est parfois qu’effleurer. Cet axe demande une attention, une acuité, qui renvoie encore une fois à cette thermodynamique sociale et éducative. Il est d’autant plus complexe que ce travail plus personnalisé doit s’effectuer au milieu et en lien avec le tumulte de la créativité collective.
Et alors quand les parents et nos soutiens s’en mêlent, c’est la cerise sur le gâteau !
Grace à nos fidèles Gibustiers, les donateurs mensuels, certains étant là depuis la première heure, c’est la possibilité donnée aux enfants et à leur famille de vivre la construction de Bricabracs qui est posée.
La centrifugeuse créative ne sait alors plus où donner de la tête : vide grenier solidaire et musical, édition d’un livre à venir, repas mensuel à la cantine du midi, aide et veille pour la recherche de financement, proposition de visites et d’activités, soutien matériel et physique (bricolage, entretien, etc.), remise en état de l’atelier, lombricomposteur, animation d’ateliers : clown, son, boulangerie, réalisation d’un logo pour le jardin, Marché d’hiver alimenté par l’ensemble des objets et des plats, etc.
Tout cela fonctionne à l’image du collectif d’enfant. Ça ne fait pas unité de pensée, mais de sens et de direction. Nul besoin d’être tous ensemble au même endroit au même moment. Il existe une multitude d’engrenages nécessaires à l’évolution de nos espaces éducatifs Bricabracs.
Chacun tente de trouver le sien, son rythme, sa place, une raison d’agir pour cette création.
Un jeu d’enfant !
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Erwan, coordinateur des Bricabracs,
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