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Causeries

Les impressions d’une jeune volontaire

L’école Bricabracs est un espace éducatif indépendant de l’Etat. À la différence d’une école publique, cette dernière ne dépend pas du Ministère de l’Education Nationale. Cependant, il ne s’agit pas non plus d’une école privée. Bricabracs possède en effet un statut associatif. L’école est donc chargée de trouver ses propres financements. Actuellement, les parents participent aux frais de location de la salle de classe mais, faute de moyens, l’instituteur travaille bénévolement, sans rémunération.
L’école a fait sa première rentrée en septembre 2015. Il y a 10 enfants de quatre à huit ans. Si ces enfants étaient à l’école publique, les niveaux seraient les suivants : cinq élèves de moyenne section, deux élèves de grande section, deux élèves de CE1 et une élève de CE2. Le nombre de 10 enfants est lié à la capacité de la salle. À l’avenir, l’association aimerait pouvoir en accueillir 20.

L’école ne possède pas de cantine. Chacun des enfants doit apporter sa nourriture pour le midi. Le repas se prend alors dehors, sauf en cas de pluie où les enfants sont obligés de manger dans la salle de classe. Un tableau a été mis en place et à chaque repas, trois enfants sont désignés pour aider à distribuer les couverts, les verres et faire chauffer la nourriture qui le nécessite. Le temps du repas fonctionne bien et est un moment très agréable qui responsabilise les enfants. Cependant, à mes yeux, cette absence de cantine peut être source de problèmes. Dans un premier temps, l’équilibre alimentaire et la diversité des repas ne sont pas assurés pour tous les enfants. Le manque de moyens de certaines familles peut se faire sentir dans les repas et entrainer tension, jalousie ou gène chez les enfants concernés, l’égalité n’est pas certaine (ce qui ne semble heureusement pas être le cas des enfants de Bricabracs). Enfin, il peut s’agir d’une contrainte pour les parents.

Le système proposé par Bricabracs s’adapte à l’une des caractéristiques de l’enfant qui est de ne pas tenir en place. Ici, les enfants peuvent circuler librement dans la salle de classe, de l’extérieur à l’intérieur et aller aux toilettes quand ils le veulent, en prévenant l’instituteur. Il n’y a pas de temps de récréation puisque les enfants peuvent aller dehors quand ils le désirent. Les élèves sont très libres et choisissent ce qu’ils veulent faire. Dans la journée, ils ont tout de même quelques obligations, l’instituteur leur demande de faire des dessins, peintures, créations diverses, jeux de calculs ou autre pour leur éviter de faire toujours la même chose. Enfin, un travail commencé devra forcément être terminé, ce qui permet aux enfants de travailler sur l’engagement. Ces tâches sont souvent bien acceptées car le fonctionnement global de la journée fait qu’elles ne sont pas vues comme des contraintes. La classe comprend des enfants de 4 à 8 ans, avec de fait différents niveaux. J’ai trouvé ce groupe très harmonieux et je me demande si l’école fonctionnerait aussi bien avec un autre groupe, avec d’autres enfants, avec plus de « grands » ?
Les enfants peuvent donc souvent choisir ce qu’ils veulent faire et on constate rapidement qu’ils s’occupent très bien entre eux. Or on remarque aussi qu’un enfant venant d’une classe traditionnelle ne sait pas toujours comment s’occuper face à tant de liberté, ce qui est dû à l’habitude que l’on leur dise quoi faire. Le potentiel créatif et imaginatif des enfants de l’école expérimentale me semble donc énorme.
Aujourd’hui, seuls trois enfants ont de « réels exercices scolaires ». Ces derniers ont l’obligation de faire chaque jour deux « fiches lecture » et une « fiche mathématique ». Ils peuvent cependant décider de quand ils souhaitent les faire dans la journée. Ces exercices ne donnent jamais lieu à des notes ou à des devoirs à la maison. Ces enfants sont relativement autonomes. Je doute de la disponibilité de l’instituteur si ces derniers venaient à être plus nombreux et si certains avaient besoin que l’on leur explique plus l’exercice en cours.
Grâce à cette palette de « niveau scolaire », on voit apparaître l’entraide entre les enfants. Chaque enfant peut avancer à son rythme sans se contenter de suivre son programme. On constate des différences entre enfants du même âge et les plus « éveillés » peuvent suivre le niveau du dessus. Enfin, comme il n’existe pas de système par classe scolaire, comme dans une école classique, la comparaison entre les enfants est plus difficile ce qui crée une absence de compétition très appréciable. Cependant, je pense que la diversité des activités proposées peut entrainer de la dispersion dans l’attention de l’enfant. Si un enfant doit travailler sur un exercice et qu’un autre joue sur l’ordinateur, le premier a vite fait de regarder le second et de vouloir l’aider au lieu de se concentrer. Son attention est alors facilement dispersée.

Chaque semaine, les créations des enfants sont répertoriées dans un journal. Chaque dessin, peinture, sculpture, doit être accompagné d’un titre et d’un texte. Ces écrits obligent les enfants à réfléchir à leur création et leur permettent de développer leur créativité et imagination. Une création a donc forcément un sens et cela ne donne pas l’impression de faire un dessin pour s’occuper et sans aucun autre but. Parfois, ce sont les plus grands qui mettent le journal en page. Celui-ci permet à chaque enfant de revoir ses créations mais également de les montrer aux autres qui les ont parfois vu mais pas forcément terminées. Chaque semaine, les enfants regardent donc le journal ensemble.

Dans cette école, le travail de l’instituteur est multiplié. En effet, il faut être là pour chacun, occuper chaque enfant équitablement et gérer les nombreux imprévus car ici la journée ne peut se prévoir intégralement à l’avance, elle dépend aussi beaucoup des enfants, de leurs envies, de leur humeur... Paradoxalement, ce système permet plus de cas par cas mais demande aussi aux enfants plus d’autonomie. Dans le système scolaire classique, on entend souvent que les élèves qui n’avancent pas au même rythme que les autres sont mis de côté. Ici, chaque élève a son programme personnalisé, ce problème ne se présente donc pas. Cependant, un enfant qui aurait besoin de beaucoup d’attention rencontrerait à terme des soucis. L’instituteur connaît extrêmement bien chaque enfant, ce qui lui permet de savoir lesquels pousser, à quel moment et quoi faire travailler à chacun. À âge égal, certains enfants sont très autonomes, s’occupent facilement tandis que d’autres ont besoin de plus d’attention malgré le fait qu’ils soient très avancés scolairement. L’instituteur ne fera donc pas travailler à ces enfants la même chose.

Je trouve le système de l’école Bricabracs très intéressant. Cependant, je me pose encore quelques questions. Comment un enfant qui aurait été dans ce type d’école durant ces années de maternelle et d’école élémentaire serait-il capable de réintégrer le système scolaire traditionnel, de passer une journée assis sur une chaise à écouter un professeur donner un cours ? Le fait que ce soit les parents qui décident de retirer leurs enfants du système scolaire classique pour les faire étudier à Bricabracs ne crée pas vraiment de mixité sociale, on ne retrouve que des enfants de parents très ouverts d’esprit. L’école publique permet, normalement une mixité (pas vraiment le cas à Marseille puisque les écoles sont des regroupements géographiques). Le manque de mixité sociale est contrebalancé par la mixité d’âge. Je me demande tout de même si les plus grands enfants (7-8 ans) n’auraient pas envie de rencontrer des enfants de leur âge puisque la majorité des rencontres qu’ils font sont à l’école. À l’inverse, selon leur tempérament, peut-être que certains sont satisfaits d’être les plus grands pour endosser un peu le rôle de « maman ».

Je serai vraiment curieuse de voir ce système éducatif dans l’avenir. Car pour un jugement plus juste, je pense qu’il faut plus de recul, et voir les différences entre un enfant qui aurait suivi toute sa scolarité dans ce système et un autre dans une école publique. Malheureusement, à ce stade de l’année, l’école Bricabracs ne sait pas encore si elle effectuera une deuxième rentrée. Il faudrait pour cela trouver des financements permettant de rémunérer l’instituteur ainsi qu’un autre local, plus grand pour pouvoir accueillir plus d’enfants.

Ce que je trouve génial dans ce système éducatif est cette absence de règles. Dans une école classique, les élèves sont obligés de travailler à des temps précis et d’aller en récréation à d’autres temps précis. Les temps de travail deviennent des contraintes et les temps de récréation sont obligatoires pour sortir de ces contraintes. À l’école Bricabracs parfois les enfants discutent mathématique entre eux sans même s’en rendre compte. Ceci montre bien que les enfants ne voient pas le travail comme une contrainte et il n’y a aucune raison de ne pas en parler. À mon sens, c’est cet apprentissage par le plaisir qui est vraiment important.

Léa

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